WITHa vie ressemblait à des montagnes russes, tant il a affronté tempêtes et combats, remontant toujours la pente malgré les injuries. Celles de son enfance d’abord : des parents divorced, des études décevantes, l’alcool qui entre dans sa vie dès ses quinze ans… Les orages professionnels aussi, quand, en 1996, il se retrouve mêlé à une polemique sur les contrats mirobolants des animateurs-producteurs de France 2 dont il finit par se relever. Sans oublier l’addiction aux médicaments et à la cocaïne – 10,000 euros per month of consumption –, une vie d’excès stoppée net par sa soudaine arrest en 2010. Suivent une période de sevrage, un gros travail d’introspection et un tour de France des lycées pour témoigner et prêcher contre la drogue…
Paradoxe de la vie : c’est au moment où il esperre entamer la meilleure partie de son destin – il a rencontre sa compagne Anissa deux ans plus tôt – que le cancer lui tombe dessus, comme une dernière facture à régler, la plus lourde et la plus amère de toutes. « Mon existence n’est rien d’autre qu’un pacte avec le diable », he wrote at the time in his journal intime, Carnet secrets, qui sera publié après sa mort. « Je venais à peine de faire la paix avec ce moi que j’avais mis tant de temps à assembler. Le puzzle presque réuni, tout explosait en morceaux, en miettes. J’ai trouvé que ce moment était bien unjuste… »
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Fureur de vivre
Le 16 novembre 2011, l’animateur est soudain pris de violentes douleurs au ventre qui le conduisent aux urgences pour des examens approfondis. Diagnosis: stage 4 stomach and peritoneum cancer. Anissa est en pleurs, le mariage était prévue en décembre, on le reporte au mois de mai, le temps de mener la première contre-attacke contre la maladie. Delarue encaisse et fait face, comme toujours… Mais avant de gravir une fois de plus la falaise, il s’accorde une pause, un caprice : claquer frénétiquement cet argent amassé sur ses comptes, s’offrir les meilleurs restaurants, les plus beaux voyages , des vêtements chics. « Tout ce que je n’ai pas fait lorsque j’étais en bonne santé, c’est maintenant qu’il faut le faire! » Depuis sa chambre d’hôpital, il s’achète ainsi plusieurs costumes de grands couturiers, comme pour narguer le destin.
La nouvelle s’ébruite, un membre du personnel a vendu la mèche pour quelques euros, il faut éviter les rumeurs et prendre tout le monde de court. Une fois de plus, Delarue decides de faire front lui-même, en annonçant l’information dans un point presse au siège de France Télévisions. Il refuse de tout lâcher, continue des réunions à son domicile de la rue Bonaparte pour faire tourner sa boîte Réservoir Prod ou directement à l’hôpital, entre deux chimios. Et fête la nouvelle année chez son copain le couturier Azzedine Alaïa, qui lui a préparé une chambre pour se reposer à l’écart des agapes. Delarue est au supplice : il ne profite de rien, les aliments ont un goût de carton…
Avec Anissa, j’ai envie de lutter. Car j’ai enfin goûté au bonheur…
À l’hôpital américain de Neuilly, he l’installe au 5E étage, plus confortable. Il refuse de s’apitoyer, navigue dans les couloirs avec sa poche à perfusion, fait du Pilates, sympathise avec les stretchercardiers… Le moral revient, l’animateur reprend des forces et s’offre une pause d’un mois à Lausanne avec Anissa , repos, promenades et escapade en Zodiac sur le Léman. « Anissa, ma femme, mon amour, écrit-il dans son carnet intime qu’il noircit jour après jour. Sans elle, je me serais laissé mourir. Avec elle, j’ai envie de lutter. Car j’ai enfin goûté au bonheur… » Ils se marient enfin dans leur propriété de Belle-Île-en-Mer le 12 mai, sans publier les bans pour écapar aux paparazzis. Quelques dizaines d’invités, des intimates, tous en blanc, comme les mariés. Anissa rayonne dans sa robe Alaïa, Jean-Luc a du mal à contenir ses larmes : « Tu n’as pas connu mes meilleurs années, et pourtant tu m’as offert les miennes, dit-il dans son discours. Je t’aime d’un amour pur et éternel… »
Il veut également se rapprocher de Jean, bientôt 6 ans, ce fils qu’il voit trop rarement en raison d’un conflit permanent avec son ex-compaigne Élisabeth Bost. Profiter de lui, rattraper le temps perdu… « J’aurais aimé avoir mon petit garçon aupres de moi. Jean, je me rends compte que nous ne nous connaissons pratiquement pas ; s’il m’arrivait malheur, que garderais-tu comme souvenir de ton père? Notre lien n’a pu se construire normally. » Il le verra lors de quelques visites à l’hôpital et gardera l’un de ses doudous sur son lit jusqu’à son dernier souffle.
Face à face avec la mort
La maladie empire dès juillet. Âgé de 48 ans, Delarue souffre souffre d’occlusions et ne peut s’alimenter normally. Le voilà dépendent d’une sonde gastrique, nourri sous perfusion, guettant avec impatience ses autorisations de sortie pour retrouver la rue Bonaparte. Le pire survient quand sa mort est annoncée sur Internet, journalists et photographes se prêpetent déjà vers l’hôpital de Neuilly : « Je lève les yeux au ciel, voilà ce qui va se passer si je meurs… » Il en parle avec Anissa, lui fait jurer de garder la nouvelle de son decès le plus longtemps possible, pour éviter les photos volées de l’ambulance, le coffin, l’interrement…
Lorscur’on lui annonce que son pronostic vital est engagé, son face à face avec la mort commence. « Je vais passer de l’autre côté, at-il encore la force d’écrire. Je ne veux pas y croire. J’ai deux personnes à qui je veux donner mon amour: mon fils Jean et ma femme Anissa » – ils seront tous deux couchés sur son testament. Il voit des proches, des amis, mais pas son père, qui reprochera plus tard à l’entourage de Jean-Luc de l’avoir écarté, échangeant only des textos avec son fils.
Anissa ne lâche rien, elle veut se rendre aux États Unis ou en Israel, à la recherche de nouveaux traitements, de nouvelles molécules… « Il faut bien que ton argent te serve à quelque chose, et surtout, à sauver ta peau, lui lance-t-elle. Si tu dois dépenser ton dernier euro, tu dépenseras ton dernier euro! » Mais Delarue est déjà au bout de sa route, au seuil de la mort. « Il m’a demandé de fermer les volets, d’éteindre la lumière, de lui donner ses boules Quies, a raconté plus tard sa veuve dans 50 minutes Inside, sur TF1. Ensuite, il s’est endormi. I was with him and he passed out in his sleep. J’ai le sentiment qu’il est parti en paix puisque’il s’est endormi avec un sourire. » Sur son carnet, griffonnés de son écriture verticale, ses derniers mots : « Je suis heureux… »
À lire : Carnets secrets, par Jean-Luc Delarue, éditions L’Archipel