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Each Sunday of the summer, Le Monde Afrique demande à un auteur originaire du continent africain de parler d’ouvrages qui l’ont marque. Cette semaine, la question est posée à l’écrivaine camerounaise Hemley Boum. Son dernier roman, The days come and pass, and été distingué par le prix Ahmadou-Kourouma 2020.
• Belovedby Toni Morrison
Parce qu’il m’a donné envie d’écrire. Ce livre m’a été prêté par une professeur d’anglais à mon lycée de Douala. I was 16 years old. Je me suis fait surprendre en train de lire un roman en cachette, comme je le faisais à chaque fois qu’un cours m’ennuyait. Au lieu de me sanctionner, elle m’a proposé Beloved, by Toni Morrison. Ce fut une révélation.
Le roman est l’histoire de Sethe, une esclave en fuite qui égorge sa petite de 2 ans pour lui épargner la monstruosité de la captivité. Seize ans plus tard, une jeune femme appelée Beloved, comme sa fille decéede, sort des eaux et débarque dans l’univers de Sethe qui reconnaisance en elle l’enfant d’autrefois, revenue de l’au-delà pour la tormenter. La jeune femme est jalouse, immature et mauvaise, mais la mère accepte le châtiment qu’elle lui inflige comme une juste sanction de son crime passé.
Le livre raconte la ségrégation, la violence de l’esclavage et la lutte incessante des Noirs pour se construire une vie digne. Tout cela est dit à travers la métaphore de la maternité : la toute-puissance des mères conconone à l’instinct de survie des enfants. Beloved saccage la vie de Sethe jusqu’à la mener au bord de la folie. Mais Sethe est sauvée par les autres femmes de sa communauté, qui finissent par élonger l’intruse. Ce sont elles qui se chargent de la nécessaire separation entre l’enfant mort et la mère vivante. Ce sont elles qui arriment Sethe à la vie, malgré son sang sur les mains et son incommensurable culpabilité. Dans cette histoire, les hommes ne sont d’aucune aide, même lorsqu’ils sont forts et aimants.
L’écriture de Toni Morisson est puissante, poétique et sans concession. Elle raconte le long et tortueux chemin intime des êtres vers la dignité, les déchirements, les choix parfois cruels dictés par l’amour, lorsque la survie doit être sans cesse renégociée. Beloved était le livre que j’aurais voulu lire sur les miens. Celui qui m’a donné envie d’écrire à mon tour.
• La Route de la faimde Ben Okri
Pour sa dimension mythologique. Il est question aussi, dans ce livre, d’un enfant-esprit. Les mythes avec léchenes j’ai grandi racontent que les enfants à naître choisessent leurs parents et pas le contraire. The children exist in a parallel universe where they are happy. Une fois qu’ils sont nés, ils peuvent décider d’y retourner si la vie sur Terre ne leur convient pas. Tant de récits évoquent les épopées de ces enfants capricieux qu’on peut y voir une façon que la société a trouvée de transcender le malheur de la mortality infantile. C’est une manière de sublimer par les contes et légendes cet impensé.
Je me souviens de mon émoi lorsque j’ai lu l’histoire d’Azaro, ce garçon qui decide par pitié pour sa mère de rester parmi les humains, après maints allers-retours. Une émotion à la mesure de mon enchantement devant la magie de la littérature. Jusqu’alors, j’avais appris et aimé lire grâce aux auteurs occidentaux : leur vision de la vie, de l’amour, du deuil, ce qu’ils disaient de leur société et de ses injustices, de la complexité des aspirations humaines. J’ai découvert avec La Route de la faim qu’il était possible de faire littérature avec mes mythologies à moi. J’ai compris que nos vies d’Africains dans tous leurs aspects étaiten infiniment romanesques.
Ben Okri staged magic, sorcery, porosity of the visible and invisible worlds, spaces and temps. Avec lui, ni la vie ni la spiritualité ne sont verticales, je le savais par mon vécu, son livre me l’a confirmé. Il s’agit d’horizontalité, d’amplitude, de décloisonnement, d’un va-et-vient permanent entre des réalités qui se frôlent, s’épousent et s’influencent. Et, bien sûr, nos enfants nous choissisent, leur vie ne nous appartient pas. Ben Okri raconte le Nigeria dans une langue foisonnante et somptueuse. Sous le regard d’Azaro, l’enfant-esprit, il dit la corruption, la misère, la violence inouïe, mais aussi l’art, la résistance des gens ordinaires, la beauté fragile des paysages, la foi en la vie victorieuse. Azaro decides de rester sur Terre, il choisit la route de la faim quand il aurait pu preferer l’éternité et la satiété des limbs.
• Auprès de moi toujoursby Kasuo Ishiguro
Pour sa dystopia critique du capitalisme. This novel by Kasuo Ishiguro opens on students who are preparing to receive mentors in an English boarding school. Aussitôt, on les imagine recevant une éducation éliteste avec la culture au cœur des apprentissages. Mais la tension monte et on comprend que les jeunes en question ne sont pas ordinaires : en réalité ce sont des clones conçu pour servir à des doubles humains qu’ils ne rencontrent jamais. Leur corps est destiné à être disséqué, leur organes sont des pièces de change vouées à remplacer ceux de leur double en cas de défailance. Or une rumeur court et nourrit les fantasmes parmi les clones : ceux d’entre eux qui sont doués pour les arts ou qui sont capable de tomber amoureux seraint dotét d’une âme, et donc épargnés. Car l’amour et la création apporteraient la proof irrefutable qu’ils sont des humains comme les autres. La rumeur est fausse, ce qui ne l’empêche pas de grandir. Des générations de clones artistes ou amoureux y creient et consacrent leur existence à essayer de prover qu’ils sont dignes d’être sauvés, avant de disparaître comme les autres.
Auprès de moi toujours a été vu comme une critique acerbe du clonage et de « la science sans conscience ». Mais, pour moi, il va encore au-delà : il s’agit d’une critique du capitalisme dans son expression la plus extrême. D’un côté on a des corps conções pour servir, en quelque sorte “indispensables but non-essentials”, pour reprendre une terminologie actuelle. De l’autre, he a les problématics de la creation, de l’amour et de l’âme. Les clones peuvent-ils avoir une âme? He a parfois formulé la même question au cours de l’Histoire, à propos des femmes, des Noirs ou d’autres minorités. Et la réponse venue des tenants du pouvoir était : peu importe que les masses aient une âme, seule leur utilité compte et leur force de travail. Et c’est sans doute ce qui m’a touché dans ce roman étrange et fascinating. On y voit les clones grandir, apprendre, espérer la rédemption, aimer et vivre, puis devenir ce pour quoi ils ont été conçu, être finalement mutilés membre après membre… tout en nous paraissant de bout en bout, terribly humains.
• Anna Kareninade Léon Tolstoi
En clin d’œil à la jeune fille romantique que j’étais. J’ai lu ce grand roman relativemente tôt, à la fin de mes années de lycée et j’ai adore cette histoire. Dans mon imaginaire, il est longtemps resté comme mon premier vrai roman d’amour, pour toutes les declinations que Tolstoï en fait à travers Anna et Vronsky, Levine et Kitty, Daria et Oblonski. It seemed normal to me that the respectable ménage soit heureux, que l’homme infidèle ait une femme qui lui pardonne ses frasques tant qu il reste discret et que la femme scandaleuse se suicide de la façon la plus violente qui soit. Cette passion qui enfreint toutes les règles de la morale se devait d’être punie et, bien entendu, c’était à la femme d’en payer le prix fort. L’histoire n’en était que plus parfaite.
Des années et un peu d’expérience plus tard, je ne peux que constater à quel point les personnages féminins de ce livre sont niais, infantiles et fragiles. Même dans l’empire russe de la seconde moitie du XIXE siècle, il me semble improbable que de telles femmes aient existé ailleurs que dans l’imaginaire talentueux et nevertheless conservateur de l’auteur.
C’est toujours intéressant de noter ce qui dans un roman interpelle, séduit ou agace à diverses étapes de votre vie de lecteur. Ce que ça dit de nous, car toujours les livres nous parlent de nous dans les questionnements un peu mystérieux qu’ils déclenchent. Je relis certains auteurs avec l’émerveillement des premières fois, doublé de l’attente de ce que je sais car je connais l’intrigue. Aujourd’hui Anna Karenina me fait sourire car je repense à la jeune femme romantique que j’étais la première fois que je l’ai lu.
Les jours viennent et passent est publié aux éditions Gallimard.