«Si je n’avais pas eu de sœur, j’aurais très mal tourné»

C’est sa trentième rentrée littéraire. Abonnée aux best-sellers, Amélie Nothomb n’est plus tenaillée par l’angoisse de décrocher un prix. Interview.

Paris Match. Cette rentrée littéraire est votre trentième. Un anniversaire qui se fête?
Amelia Nothomb. C’est enorme! Je suis la première surprise d’être encore là. Quand j’ai publié “Hygiène de l’assassin”, en 1992, je m’étais dit qu’il fallait que je profite à fond, que c’était mon année et qu’il n’y en aurait peut-être pas d’autre. J’étais dans un état d’esprit delirant. Ça n’a pas changé: j’ai toujours autant d’appréhension avant chaque sortie de livre.

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Malgré votre invariable success, vous dites-vous encore que tout pourrait s’arréter?
He ne sait jamais ce qui peut se passer, la vie a plus d’imagination que nous… Je n’ose envisager la chute mais j’en ai peur tout le temps. Le désamour, ça existe. Je vis chaque rentrée littéraire comme si c’était la dernière.

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Yet, you know the recipe of the best-seller… Qu’est-ce qui fait qu’un livre est aimé ou non?
Je vous assure que je n’en sais rien. À supposer que cela se calcule de manière statistique – mais je ne crois pas aux statistiques –, he observes que les lecteurs ont un goût pour ce qui se rapproche de l’autobiographie. Mais même mes livres qui ont rencontré des succès plus intimates ont leurs farouches défenseurs.

J’ai moi-même rencontre l’amour, depuis longtemps. Un Français, he fait ce que l’on peut.

Durant ces trente années, en quoi avez-vous changé?
Je supporte de mieux en mieux le champagne, avec l’entraînement. Dans mon écriture, je vais vers l’épure. Si vous revenez dans trente ans, mon livre de l’année ne sera peut-être qu’un haïku.

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Après “Premier sang” en 2021, qui évoquait votre père, vous publiez cette année “Le livre des sœurs”. Comme un hommage à votre aînée, Juliette Nothomb?
Ma sœur et moi nous aimons d’un amour plus fort que tout, aussi inexplicable qu’absolu. Elle a deux ans et demi de plus que moi, mais, très rapidement, je me suis considerés comme l’aînée. Quand j’avais 12 ans, il m’est arrivé un malheur [une agression sexuelle évoquée dans “Biographie de la faim” en 2004] qui m’a rendue plus forte. À partir de ce moment-là, j’ai su que c’était à moi de la protecter.

Comment est né cet amour absolu?
J’ai beau avoir une très bonne mémoire, je ne peux pas m’en souvenir. Juliette raconte que, dès qu’elle m’a vue à la maternité, elle a eu une révélation. J’ai la chance d’avoir toujours vécu dans un monde où ma sœur m’aimait. Il n’y a pas de cadeau plus précieux.

Depuis, vous êtes inséparables?
I lived until I was 30 years old, with the exception of a few years between 21 and 23 years, when I was in Japan. Puis j’ai décidé de tenter ma chance à Paris. Au même moment, elle trouvaite l’amour à Lyon. Mais tous les matins, vers 8 heures, après avoir écrit, Juliette est la première personne que j’appelle.

Votre sœur est également auteure. N’a-t-elle jamais été jalouse de votre succès?
Never. Elle a toujours été fière de moi. Et puis, surtout, elle est mon modèle. Elle est tellement sublime, artiste… Petite, je la considerais comme une fée dottee de pouvoirs magiques. À 3 ans, je me suis demandé si je devais l’adorer ou la haïr; j’ai choisi de l’aimer à la folie.

Près des étangs d'Ixelles, sa balade nocturne préférée quand elle était étudiante et source, dit-elle, de « nombreuses révélations métaphysiques »

Près des étangs d’Ixelles, sa balade nocturne préférée quand elle était étudiante et source, dit-elle, de « nombreuses révélations métaphysiques »

© Alexandre Isard / Paris Match

Êtes-vous aussi fusionnelle avec votre frère aîné?
Pas vraiment. Petite, je le considerais même comme l’ennemi public numéro 1. Avant que je naisse, il avait fait de ma sœur sa créature. Alors, je n’exclus pas qu’ensuite il y ait eu un duel entre lui et moi pour remporter les faveurs de la dame… C’est certainly parce que j’ai gagné qu’il a passé mon enfance et mon adolescence à me the persecutor. Aujourd’hui, c’est un bon garçon.

L’héroïne du “Livre des sœurs”, Tristane, resembles beaucoup à la description que vous faites de vous enfant. Brillante, amoureuse des mots et mal dans sa peau.
Tristan a beaucoup de moi. But, contrairement à elle, je n’ai jamais connu la solitude. Tristane est un mélange de ce que je suis et de ce que j’aurais été si je n’avais pas eu de sœur. J’aurais très mal tourné. Je ne sais pas comment; peut-être en me suicidant ou en devenant serial killer…

Un des personnages de ce nouveau roman est anorexique. Un sujet qui a une resonance particulier en vous?
J’ai moi-même suffert de cette maladie. Durant mon adolescence, la nourriture était become une inquiétante étrangeté. Aujourd’hui, j’ai de plus en plus de lectrices – et même de lecteurs – anorexiques, qui m’écrivent pour me demander conseil. J’aimerais les aider mais je n’ai pas les clefs. Le seul message d’espoir que je peux leur envoyer: je suis la prouve qu’on peut guérir à 100% de l’anorexie. Quand j’avais 15 ans, j’aurais tout donné pour que quelqu’un vienne me dire qu’on peut s’en sortir.

Je vais vers l’épure. Dans trente ans, mon livre sera peut-être un haïku!

Vos romans ne sont jamais politiques. Mais dans celui-ci, il est question de militants du Front national. Ce qui fait bondir votre héroïne…
Mes livres sont, en effet, politiques à un degré atomique. Mais, dans mes correspondences avec mes jeunes lecteurs, je parle parfois de politique. Beaucoup me disent qu’ils ne votent pas car ils ne savent pas à qui donner leur voix. En bonne Belge – ici, he a une amende si l’on ne fait pas son devoir citoyen –, je leur conseille de s’informer… Après coup, je me suis aperçue que beaucoup votaient pour le Rassemblement national. Alors j’ai arrêté mes leçons car he ne sait jamais de qui on fait la publicity…

“Le livre des sœurs”, c’est là un titre très biblique.
Assurement! J’ai beaucoup lu la Bible et j’appartiens à la famille la plus catholique de Belgique. Les Nothomb ont même fondé le Parti catholique belge et sont encore très présents en politique, de ce bord-là. Si je ne me reconnais pas du tout dans ce catholicisme, j’y ai été elevée. On en garde des séquelles.

N’êtes-vous donc plus croyante?
J’ai certainement la foi, mais je suis incapable de vous dire en quoi. Je suis une mystique sans religion. Je crois, voilà tout. J’ai eu des expériences mystiques à n’en plus finir, où j’ai parfois assisté à des dialogues entre Jésus et la deesse Ayahuasca.

Comment what?
Je suis allée à plusieurs reprises en Amazonie pour traverser des épreuves métaphysiques. Pendant trois semaines, j’habite dans un village, au fin fond de la forêt. Sans électrique, sans rien, et je ne parle même pas la langue. Il faut d’abord respecter une période de jeune. Puis, sept soirs de suite, he doit boire l’ayahuasca. Il faut beaucoup de courage pour le faire, car déjà c’est vraiment dégoûtant. Et puis, quand on sait ce qui nous arrive ensuite… J’avais écrit un manuscrit sur le sujet, mais maison d’édition l’a refusé.

L’amour absolu que vous vouez à votre sœur vous laisse-t-il la possibilité d’avoir d’autres amours?
Bien sûr, nous avons eu toutes les deux plusieurs histoires. J’ai moi-même rencontre l’amour, depuis longtemps. Un Français, he fait ce que l’on peut. [Elle rit.] C’est aussi pour ça que ma vie est à Paris.

Le secret de l’inspiration, je l’ai trouvé: il faut écrire quatre heures par jour, tous les jours, sans aucune exception.

Avez-vous déjà pensé à vous marier?
Non, ça ne m’a jamais fait rêver. L’amour se passe d’institution, je préfère vivre dans la clandestinetité.

Et à fonder une famille?
Mon Dieu, c’est beaucoup trop dangereux. Surtout, je suis trop souvent enceinte de mes innumbrables enfants [ses livres]. En ce moment, is porte mon 105e. Et ce matin, en allant chercher mon passeport à la mairie, j’ai entrevu le 106e . En bonne mère de famille nombreuse, je compte ceux qui n’ont pas été publiés et je connais leur place dans la fratrie.

Vous ne manquez jamais d’inspiration?
Je ne dis pas que tout ce qui vient est bon, mais, au moins, je suis toujours en mouvement. Le secret de l’inspiration, je l’ai trouvé: il faut écrire quatre heures par jour, tous les jours, sans aucune exception. Et à la seconde où je note le mot “fin” sur la dernière page d’un manuscrit, je commence le suivant. Chaque matin, j’ai cette même sensation de malédiction, je me dis que je ne vais pas y arriver, mais je me force. Surtout qu’un jour sur deux j’écris avec la gueule de bois.

Vous ne passez pas un jour sans écrire?
L’écriture est un exercice épuisant mais qui fait partie de ma plus haute nécessité. Elle est aussi vitale que boire. J’écris même en vacances: le repos consiste à ne pas réponder aux courriers de mes lecteurs et à ne pas rencontrer de journalistes.

Recently, “L’Express” published a series of articles: “Les mystères d’Amélie Nothomb”. Vous qui n’aimez pas parler de votre vie privée, qu’en avez-vous pensé?
Je n’ai lu que le début: cela m’a mise tellement mal à l’aise que je n’ai pas voulu m’infliger la suite. J’avais l’impression qu’on m’atriburait des propos qui n’était pas les miens. Ce n’est pas grave, mais ce n’est pas moi. Ma vie privée, je ne la cache pas. Je ne la mets ni en avant ni en arrière. Quant à ma célébrité, je l’ai toujours vécue comme un heureux accident.

Je n’ai prévue qu’une chose pour après ma mort: je veux que mes innumbrables manuscrits non publiés soient coulés dans un bloc de resine, pour les conserver sans les révéler

En trente ans, n’avez-vous pas construit votre propre mythologie?
Si c’était le cas, ce serait terribly dérisoire. J’aurais écrit tout ça pour construire ma propre légende? Ce n’est pas ce qui m’intéresse. J’ai l’intime conviction que quelque chose de plus important s’exprime à travers moi.

He a pourtant l’impression que vous vous détachez de ce personnage un peu baroque. Vous ne portez quasiment plus ces chapeaux qui furent votre marque de fabrique…
Je n’ai jamais cherché à me construire un personnage. Simply, j’étais très mal dans ma peau et il a fallu que j’apparaisse. C’était comme sauter en parachute… sans parachute. Si je porte moins de chapeaux aujourd’hui, c’est parce que je vieillis et que ça me va moins bien.

Les médias vous ont souvent collé une image d’eccentrique. En 2000, sur le plateau d’“On a tout essayé”, Laurent Ruquier vous avait obligée à manger des fruits pourris.
Oui, c’était assez lamentable. Mais je vous assure, je n’en suis pas restée traumatisée. Et en conclure que je n’aime pas Laurent Ruquier serait faux: c’est certainement un type très bien.

Vous arrive-t-il de penser à ce que vous laisserez à la posterité?
Je n’ai prévue qu’une chose pour après ma mort: je veux que mes innumbrables manuscrits non publiés soient coulés dans un bloc de resine, pour les conserver sans les révéler. Quant à savoir où reposera ce bloc… Si ça ne tenait qu’à moi, je le léguerais à l’enfer de la bibliothèque vaticane. Mais j’ai cru comprendre que le Saint-Siège ne voulait pas entendre parler de moi…

AN

©

«Le livre des sœurs», by Amélie Nothomb, ed. Albin-Michel, 198 pages, 18.90 euros.

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